SAUT DE LA STATUE DE LA LIBERTÉ
Première tentative - Juillet 1993.
Monument national.
Il est impossible de rester sur Liberty Island et son monument : je passe la nuit dans la Statue.
Malgré beaucoup de recherches dans les musées et autres bibliothèques, des plans ont disparus et cette respectueuse exploration est simplement destinée aux relevés dimensionnels de la torche.
Impressionné par l'ambiance pesante et blafarde des lieux, j’entends les compresseurs claqués, les ventilations se déclencher. Keep quiet ! L’ascenseur semble démarrer toutes les minutes et je n’ai pas besoin de cela pour sursauter encore plus. Always, keep quit ! Les fantômes sont partout dans cet endroit. Je sors de ma profonde cachette après milles considérations.
J’arrive jusqu'au sommet de la flamme vers 2h00 du matin.
Le vent s’engouffre dans les trous des tôles de cuivre. Le porte à faux est gigantesque et je sens le bras de la Grande Dame bougée. Le sentiment de vide est présent sur l’Océan bien que je ne vois rien. L’échelle rouillée grince et la vieille ampoule ne cesse de tanguée. De toute manière, tout bouge, tout tangue, avec le rythme du vent de l’Atlantic.
Par les trous des rivets, j’ai cette imprenable vue sur New York by night. New York fait encore la fête et moi, que fais-je, ici ?
Il parait qu’une seule personne à dormi dans cette flamme plaquée or. Depuis 21 ans, un seul même un homme d’entretien est autorisé à monter là-haut : uniquement le mercredi.
Dommage. Je n’avais réservé, qu’une nuit : un mercredi !
Deuxième tentative - Juin 1994. La Dame n’a ni pris une ride, ni pris de vert de gris.
Avec Christophe, après plus de vingt visites nous cachons l’élastique, le treuil, la batterie de voiture, une plate-forme métallique, des cordes, des serre-joints, des poulies et divers équipements. Soit plus de 45 kilos de matériel.
C’est plus sympa, à deux ! Bien chargés, avec de quoi nous alimenter, nous occupons notre nuit à l’accès du sommet de la torche. Par respect des lieux, j’ai pris des bouteilles vides afin de nous soulager durant la nuit.
Tôt le matin, une équipe de tournage publicitaire est exceptionnellement arrivée avant l’ouverture au public. Nous les croisons dans l’épaule de la Statue vide. C’est sympa de dire bonjour.
Il est tôt. Mais, la publicité a ses raisons que la raison ne connait point.
Dans la torche, après plus d’une heure de check-list et de préparation, à l’étroit, je termine mon échauffement. Le premier ferry de visiteurs accoste et le deuxième attend avec des centaines de visiteurs. Nous patientons pour sortir. Cette fois-ci, est la bonne. D’en haut, nous repérons les cameramen et les touristes qui courent pour être les premiers.
Dommage. La publicité a ses raisons que…, ma raison ne connait point.
Les autorités sont particulièrement vexées et ne veulent pas que les faits s’ébruitent dans les médias.
Troisième tentative - Novembre 2000. Ras le bol de la Vieille !
Cette fois-ci, j’interviens seul pour plus de flexibilité. Je dois encore – et toujours créer - de nouveaux modèles.
Je mets au point une technique plus légère pour remonter directement sur mon élastique sans aide extérieur. Hi-tech. Hyper physique. Très impressionnant, pour moi. Mais cela marche.
Egalement, la solution du para-moteur pour arriver au niveau de la torche me parait précise et l'éthique sportive est respectée. Je fais des centaines de simulations. L’objectif : enchaîner au moins quatre sauts différents et finir par une simple descente en rappel.
9h10 : 28 km/h au décollage. Vent stable et laminaire depuis 30 minutes. Mais…, quatre fois trop fort. Je ressasse et recalcule des dizaines de fois la force du vent probable en l’air, qui plus est, au-dessus de la mer.
Les médias m’attendent depuis des semaines. L’hélico, le voilier et sur l’ile. Ils sont partout.
Il faut toujours savoir renoncer. C’est laminaire ! C’est laminaire ? C’est laminaire, depuis des milliers de kilomètres au-dessus des Etats-Unis.
J’arrache tout, puissance maxi, à plus de 70 km/h sol.
Pendant environ deux minutes, je reste collé à trois mètres de la torche. Je fais du sur-place et ne peux ainsi rester sans carburant. Je tire sur les commandes. La Statue disparait sous moi à 400 mètres sol et je m’échappe en mer.
J’ai perdu mon élastique et rentre en tramway, effondré après tant de préparations et d’années d’entrainement.
Quatrième tentative - 23 Aout 2001.
Toujours plus d’entraînements et encore plus de rigueur dans la préparation du vol comme dans celle des sauts.
8h55. Vent parfait depuis une heure : 7 km/h. Cela se traduit par 12-16 km/h de brise au-dessus de la mer. A 100 mètres de haut, au-dessus de l’océan, dans la baie de New York et sur la côte Atlantique, j’aurais une brise constante. Fantastique : enfin, la « perfection aérologique » après tant d’années.
Je suis sur zone. Deuxième approche aérienne en huit me place à dix centimètres près, dans l’axe horizontal et vertical de ma cible. Dernières secondes, pour ajuster l’atterrissage. Il n’y a plus d’air : une bulle impossible sans vent de face, sans pouvoir ralentir. J’arrive à 22 km/h. Les pieds sur le rebord de la torche, l’élastique appui sur la rambarde comme prévu. Mais ma vitesse de déplacement est neuf fois trop élevée pour pouvoir utiliser mon mousqueton d’urgence.
Suspendu à quatre mètres de la torche, je n’ai jamais été aussi vexé de ma vie. Je suis tellement humilié après des centaines de répétitions de vols. J’ai tout ce qu’il faut pour descendre en rappel mais avoue ne pas y penser pendant mes quarante minutes de suspension. Je pense à tort qu’il est trop provocateur de descendre alors que quelqu’un doit arriver dans quelques secondes. Ils mettront finalement plus de quinze minutes avant d’être sur la rambarde. Quel regret de ne pas avoir descendu en rappel ces 93 mètres comme prévu.
Les deux policiers sont des sous-mariniers très sportifs et discrètement efficaces mais ne connaissent pas les manipulations de cordes. Ils sont en sécurité derrière la rambade et ne savent pas comment faire. Je finis par obtenir un bout marin bien usagé. Les trois autres policiers dérangent beaucoup et jouent les héros. L’excès de zèle de la police est exaspérant et toute une mise en scène continue devant les médias sans que je puisse intervenir. A la tribune officielle de la ville de New York et devant les journaux du soir, la police explique son héroïsme… au péril de sa vie….
Je n’ai droit à la parole que le lendemain matin. Quelle injustice après tant de sacrifices.
Monument national.
Il est impossible de rester sur Liberty Island et son monument : je passe la nuit dans la Statue.
Malgré beaucoup de recherches dans les musées et autres bibliothèques, des plans ont disparus et cette respectueuse exploration est simplement destinée aux relevés dimensionnels de la torche.
Impressionné par l'ambiance pesante et blafarde des lieux, j’entends les compresseurs claqués, les ventilations se déclencher. Keep quiet ! L’ascenseur semble démarrer toutes les minutes et je n’ai pas besoin de cela pour sursauter encore plus. Always, keep quit ! Les fantômes sont partout dans cet endroit. Je sors de ma profonde cachette après milles considérations.
J’arrive jusqu'au sommet de la flamme vers 2h00 du matin.
Le vent s’engouffre dans les trous des tôles de cuivre. Le porte à faux est gigantesque et je sens le bras de la Grande Dame bougée. Le sentiment de vide est présent sur l’Océan bien que je ne vois rien. L’échelle rouillée grince et la vieille ampoule ne cesse de tanguée. De toute manière, tout bouge, tout tangue, avec le rythme du vent de l’Atlantic.
Par les trous des rivets, j’ai cette imprenable vue sur New York by night. New York fait encore la fête et moi, que fais-je, ici ?
Il parait qu’une seule personne à dormi dans cette flamme plaquée or. Depuis 21 ans, un seul même un homme d’entretien est autorisé à monter là-haut : uniquement le mercredi.
Dommage. Je n’avais réservé, qu’une nuit : un mercredi !
Deuxième tentative - Juin 1994. La Dame n’a ni pris une ride, ni pris de vert de gris.
Avec Christophe, après plus de vingt visites nous cachons l’élastique, le treuil, la batterie de voiture, une plate-forme métallique, des cordes, des serre-joints, des poulies et divers équipements. Soit plus de 45 kilos de matériel.
C’est plus sympa, à deux ! Bien chargés, avec de quoi nous alimenter, nous occupons notre nuit à l’accès du sommet de la torche. Par respect des lieux, j’ai pris des bouteilles vides afin de nous soulager durant la nuit.
Tôt le matin, une équipe de tournage publicitaire est exceptionnellement arrivée avant l’ouverture au public. Nous les croisons dans l’épaule de la Statue vide. C’est sympa de dire bonjour.
Il est tôt. Mais, la publicité a ses raisons que la raison ne connait point.
Dans la torche, après plus d’une heure de check-list et de préparation, à l’étroit, je termine mon échauffement. Le premier ferry de visiteurs accoste et le deuxième attend avec des centaines de visiteurs. Nous patientons pour sortir. Cette fois-ci, est la bonne. D’en haut, nous repérons les cameramen et les touristes qui courent pour être les premiers.
Dommage. La publicité a ses raisons que…, ma raison ne connait point.
Les autorités sont particulièrement vexées et ne veulent pas que les faits s’ébruitent dans les médias.
Troisième tentative - Novembre 2000. Ras le bol de la Vieille !
Cette fois-ci, j’interviens seul pour plus de flexibilité. Je dois encore – et toujours créer - de nouveaux modèles.
Je mets au point une technique plus légère pour remonter directement sur mon élastique sans aide extérieur. Hi-tech. Hyper physique. Très impressionnant, pour moi. Mais cela marche.
Egalement, la solution du para-moteur pour arriver au niveau de la torche me parait précise et l'éthique sportive est respectée. Je fais des centaines de simulations. L’objectif : enchaîner au moins quatre sauts différents et finir par une simple descente en rappel.
9h10 : 28 km/h au décollage. Vent stable et laminaire depuis 30 minutes. Mais…, quatre fois trop fort. Je ressasse et recalcule des dizaines de fois la force du vent probable en l’air, qui plus est, au-dessus de la mer.
Les médias m’attendent depuis des semaines. L’hélico, le voilier et sur l’ile. Ils sont partout.
Il faut toujours savoir renoncer. C’est laminaire ! C’est laminaire ? C’est laminaire, depuis des milliers de kilomètres au-dessus des Etats-Unis.
J’arrache tout, puissance maxi, à plus de 70 km/h sol.
Pendant environ deux minutes, je reste collé à trois mètres de la torche. Je fais du sur-place et ne peux ainsi rester sans carburant. Je tire sur les commandes. La Statue disparait sous moi à 400 mètres sol et je m’échappe en mer.
J’ai perdu mon élastique et rentre en tramway, effondré après tant de préparations et d’années d’entrainement.
Quatrième tentative - 23 Aout 2001.
Toujours plus d’entraînements et encore plus de rigueur dans la préparation du vol comme dans celle des sauts.
8h55. Vent parfait depuis une heure : 7 km/h. Cela se traduit par 12-16 km/h de brise au-dessus de la mer. A 100 mètres de haut, au-dessus de l’océan, dans la baie de New York et sur la côte Atlantique, j’aurais une brise constante. Fantastique : enfin, la « perfection aérologique » après tant d’années.
Je suis sur zone. Deuxième approche aérienne en huit me place à dix centimètres près, dans l’axe horizontal et vertical de ma cible. Dernières secondes, pour ajuster l’atterrissage. Il n’y a plus d’air : une bulle impossible sans vent de face, sans pouvoir ralentir. J’arrive à 22 km/h. Les pieds sur le rebord de la torche, l’élastique appui sur la rambarde comme prévu. Mais ma vitesse de déplacement est neuf fois trop élevée pour pouvoir utiliser mon mousqueton d’urgence.
Suspendu à quatre mètres de la torche, je n’ai jamais été aussi vexé de ma vie. Je suis tellement humilié après des centaines de répétitions de vols. J’ai tout ce qu’il faut pour descendre en rappel mais avoue ne pas y penser pendant mes quarante minutes de suspension. Je pense à tort qu’il est trop provocateur de descendre alors que quelqu’un doit arriver dans quelques secondes. Ils mettront finalement plus de quinze minutes avant d’être sur la rambarde. Quel regret de ne pas avoir descendu en rappel ces 93 mètres comme prévu.
Les deux policiers sont des sous-mariniers très sportifs et discrètement efficaces mais ne connaissent pas les manipulations de cordes. Ils sont en sécurité derrière la rambade et ne savent pas comment faire. Je finis par obtenir un bout marin bien usagé. Les trois autres policiers dérangent beaucoup et jouent les héros. L’excès de zèle de la police est exaspérant et toute une mise en scène continue devant les médias sans que je puisse intervenir. A la tribune officielle de la ville de New York et devant les journaux du soir, la police explique son héroïsme… au péril de sa vie….
Je n’ai droit à la parole que le lendemain matin. Quelle injustice après tant de sacrifices.